Pour réaliser ses différentes missions , l’Administration des Douanes a besoin d’un support matériel et juridique adapté. En outre, dans un contexte d’accroissement continu des transactions commerciales, générateur d’une diversification de plus en plus poussée de ses activités, une adaptation constante de son dispositif organisationnel s’impose. Cette double exigence justifie l’option, clairement affichée par les Douanes sénégalaises, de s’appuyer sur une structuration cohérente en vue de mieux prendre en charge ses préoccupations budgétaires (services de contrôle des opérations commerciales) et de protection économique (service de surveillance).

Dénommés « bureaux de douane », les services de contrôle des opérations commerciales, sont, à titre principal, chargés de la liquidation des droits et taxes applicables aux marchandises importées et de l’application des diverses réglementations relatives aux échanges internationaux. Leur intervention, en amont de l’action des unités de surveillance , de nature traditionnellement fiscale, vise à fournir, aux pouvoirs publics, des ressources budgétaires pour faire face à leurs multiples charges. Mais, une finalité économique est venue se greffer à cette mission première, à travers notamment la mise en œuvre, dans ces services, d’un ensemble de mesures pour appuyer et encadrer les opérateurs du commerce international.

Compte tenu de la diversité des marchandises importées et des points d’entrée dans le territoire douanier, les bureaux ne sont pas indistinctement ouverts à toutes les opérations de dédouanement. Mais, la gestion de la plus grande partie du trafic commercial est dévolue aux grands bureaux de dédouanement du port et de l’aéroport qui, du fait de l’étendue de leurs compétences et du volume des opérations traitées, apparaissent comme des maillons essentiels de l’action fiscale et économique de la Douane. Bras séculiers de la Direction générale des Douanes, dans l’accomplissement de sa mission de service public, ces services méritent une attention particulière. En priorité, une réflexion sur leur organisation et leur fonctionnement s’impose comme une matrice essentielle pour les adapter, en permanence, au contexte actuel de la mondialisation, source de multiples contraintes. Une telle démarche permettra d’apprécier, entre autres, la pertinence de la spécificité classique de cette organisation qui repose sur une bipolarisation fonctionnelle entre les sections d’écritures et les services de visite.

En procédant par gradation, on peut s’intéresser, dans cette première analyse, aux sections d’écritures, véritables « portes d’entrée » d’un grand bureau et piliers essentiels des services de dédouanement en raison de leur implication protéiforme dans la mise œuvre de la politique douanière. Un tel intérêt vient à son heure si l’on considère la prégnance d’une perception assez réductrice qui a, traditionnellement, biaisé l’appréciation des fonctions, de ces services essentiels dans le dispositif d’un grand bureau.

L’objet de cette contribution, qui ne saurait prétendre à l’exhaustivité, est de rendre compte, de manière ramassée, des attributions importantes dévolues aux sections d’écritures. Une observation attentive des textes organisant le Service des Douanes indique que celles -ci sont bâties autour d’un bloc tripartite de compétences: le contrôle de la régularité des formalités douanières, la gestion des dépôts de douane et le suivi des engagements souscrits par les redevables.

I/ LE CONTROLE DE LA REGULARITE DES FORMAILITES DOUANIERES

Fruits de la déconcentration administrative, les bureaux de douane assurent, sous la supervision des autorités centrales, le contrôle des opérations commerciales en veillant à ce que les acteurs des transactions internationales respectent les prescriptions légales au moment de l’introduction de leurs marchandises dans le territoire douanier. L’accomplissement, de cette fonction essentielle, repose ,en grande partie, sur les sections d’écritures qui jouent un rôle fondamental, dans ce cadre, en diligentant une panoplie diversifiée de contrôles en vue d’assurer la conformité au droit des opérations du commerce international. Ces missions de vérification empruntent, en pratique, une double direction : le contrôle de la recevabilité des déclarations en détail et le contrôle des sommiers des marchandises placées en régimes suspensifs.

A. le contrôle de recevabilité:

Une des raisons premières de la création des sections consiste à faire un travail d’écriture en vérifiant notamment la recevabilité des déclarations. Il s’agit d’un contrôle portant sur l’aspect purement formel des documents présentés aux fins d’un dédouanement à l’issue duquel les déclarations jugées irrecevables sont restituées au commissionnaire en douane pour régularisation. Confiée à la section recevabilité, cette vérification, a priori, revêt deux formes : un examen des énonciations de la déclarations et un contrôle des documents d’accompagnement des déclarations.

L’examen des énonciations de la déclaration a trait aux renseignements exigés par la législation douanière pour l’application, à la marchandise déclarée, des diverses réglementations publiques.

Il s’agit, à travers cette opération, de vérifier notamment la présence des renseignements nécessaires à la détermination des droits et taxes et des mesures d’effets équivalents. Mais,il faut dire que, la mise en place d’une déclaration automatisée, consécutive à l’avènement du système GAINDE a considérablement allégé le contrôle de recevabilité qui s’oriente, de plus en plus, vers la vérification des documents obligatoires. Cette seconde étape est cruciale dans la mesure où elle permet de recueillir tous les documents justificatifs de la situation des marchandises au regard des différentes réglementations auxquelles elles sont assujetties. Cette importance a été d’ailleurs renforcée par le décret n°91-1221 du 14 novembre 1991, portant institution d’un programme de vérification des importations qui habilite les sections d’écritures à relever les contournements à ce programme en cas d’absence des attestations de vérifications pour des marchandises dont la

valeur FOB est supérieure ou égale à trois millions (3 000 000) de FCFA et les conteneurs personnalisés. Mais, ce contrôle de forme n’épuise pas la totalité des vérifications assurées au niveau des services d’écritures qui englobe également un travail important sur les régimes suspensifs.

B. La vérification des sommiers des marchandises placées en régimes suspensifs :

Les régimes suspensifs ou économiques sont, pour paraphraser le Professeur BERR et TREMEAU , « des régimes destinés à favoriser le développement de certaines activités économiques et à renforcer la capacité concurrentielle des entreprises sur les marchés internationaux, par la mise en jeu de mécanismes variables, selon l’activité considérée, et dont les effets ne sont définitivement acquis que si la marchandise a satisfait à certaines obligations également variables selon les régimes » .

Trois formules, correspondant aux trois fonctions essentielles d’une entreprise, ont ainsi été mises sur pied :

égimes à vocation commerciale qui permettent soit de disposer en permanence d’un stock de marchandises que l’on peut utiliser en fonction de ses besoins(entrepôt de stockage :code régime S3) ou d’importer temporairement une marchandise d’origine étrangère et de l’utiliser, dans le territoire douanier, en suspension des droits et taxes pour les besoins d’une activité bien déterminée (admission temporaire spéciale {S51} et admission temporaire exceptionnelle d’utilisation en l’état {S52 }) ;

– Les régimes de transformation qui permettent d’importer des marchandises, de leur faire subir une ouvraison dans le territoire douanier avant de les mettre à la consommation ou d’en réexporter les produits compensateurs. L’admission temporaire normale (S53), l’admission temporaire exceptionnelle pour perfectionnement actif (S52) et l’entrepôt industriel (S32) constituent les principales variantes de ces régimes de transformation sous douane.

– Les régimes destinés à faciliter les activités de transport des marchandises qui englobent surtout le transit ordinaire(S11) et le transit international(S12) .

Du fait qu’ils mettent en jeu des techniques dérogatoires par rapport aux mécanismes de droit commun du dédouanement à travers, notamment la suspension des droits et taxes, l’administration doit s’assurer, par une série de contrôles, de la correcte utilisation des régimes douaniers et contraindre les redevables, irrespectueux des prescriptions légales, à répondre, devant les autorités compétentes, des conséquences de leurs actes.

Dans les grands bureaux, les sections constituent les maîtres d’œuvre du dispositif de suivi et de contrôle des régimes suspensifs. Agissant de manière inopinée ou en vertu d’une programmation arrêtée par le Chef des Sections, elles procèdent à des vérifications sur pièces ou à des contrôles physiques à l’issue d’une phase préliminaire, de collecte documentaire, opérée à partir d’un listing informatique des sommiers. Effectuées par les sections AT (admissions temporaires) et Entrepôts, les visites d’entreprises sont très importantes à ce niveau. Elles permettent, en effet, de s’assurer que les marchandises placées dans ces régimes suspensifs ne font pas l’objet de soustraction frauduleuse et que les produits compensateurs déclarés pour l’apurement des comptes correspondent à ceux qui ont été placés sous le régime considéré ou proviennent de leur mise en œuvre. L’action de ces services, qui a pour bases légales la loi 87-47 du 28 décembre 1987 portant code des douanes, l’arrêté n°7579 MEF/DGD du 28 juin 1989 déterminant les conditions d’application du régime d’admission temporaire, l’arrêté n°15238 MEF/DGD du 16 décembre 1989 déterminant les conditions d’application du régime de l’entrepôt industriel et l’arrêté n°12001 MEF/DGD du 30 septembre 1989 fixant les conditions d’agrément et d’exploitation de l’entrepôt de stockage , aboutit

souvent à la constatation de nombreuses infractions. En général, il s’agit d’irrégularités liées à la non régularisation dans les délais impartis des sommiers, à la non représentation des marchandises placées en régime suspensif, à l’absence de mise à la consommation sur la partie consommée des marchandises en ATS ou au non respect de l’obligation de réexportation .

II/ LA GESTION DES DEPOTS DE DOUANE

Compte tenu des difficultés d’appréhension du concept de « dépôt de douane », il est utile de le repréciser avant de considérer les modalités de mises en dépôt des marchandises.

A. La notion de dépôt de douane :

Traditionnellement, le dépôt s’entendait d’un entrepôt appartenant à l’administration où étaient stockées provisoirement les marchandises en attente de dédouanement ou retenues en douane pour divers motifs. Par la suite, par le truchement du procédé métonymique, le vocable a fini par désigner la situation juridique des marchandises séjournant dans ce local administratif ainsi que celles qui doivent théoriquement s’y trouver en raison de leur séjour abusif en douane. Cette seconde conception a été formellement consacrée par le droit douanier qui considère le « dépôt de douanes », comme une situation transitoire, antérieure ou consécutive à l’assignation d’un régime douanier définitif, suivant laquelle des marchandises sont stockées dans les locaux surveillés par la douane pendant un délai déterminé, à l’expiration duquel elles seront soit aliénées soit mises à la consommation ou réexportées.

B. Les modalités de mise en dépôt des marchandises :

En vertu des dispositions de l’article 180, de la loi 87-47 portant code des douanes, sont constituées d’office en dépôt de douane:

– les marchandises importées qui n’ont pas été déclarées en détail dans le délai légal fixé à l’article 70 du code des douanes ;

– les marchandises déclarées en détail pour lesquelles le déclarant ne se présente pas où qui ne sont pas enlevées après la vérification sauf si cet empêchement résulte d’une action en revendication de propriété portée à la connaissance de l’Administration des Douanes.

– Les marchandises qui restent en douane pour tout autre motif . En sus de ces cas limitativement énumérés dans les dispositions de l’article 180 du CD, la pratique douanière a consacré l’extension de la mise en dépôt à deux situations spécifiques :

– aux marchandises formellement prohibées à l’entrée, dont l’importation est interdite dans le territoire douanier ;

– aux marchandises en attente de dédouanement provenant des pays limitrophes conduites par escorte ou sous passavant dans les bureaux de plein exercice .

Aux fins de ces différentes procédures, la section dépôt procède aux opérations de mise en dépôt en inscrivant les marchandises concernées sur un registre spécial avec mention de la nature des marchandises, des marques et numéros des colis. Au besoin, elle procède aux transferts des marchandises dans les magasins de dépôt et prépare, soit l’aliénation des marchandises qui ne sont pas

enlevées dans les délais légaux(4 mois), soit la destruction des produits périmés ou en mauvais état de conservation.

III/ LE SUIVI DES ENGAGEMENTS SOUSCRITS

Cette action majeure vise les engagements pris par les redevables dans le cadre des procédures simplifiées d’enlèvement , des acquits- à – caution et des soumissions documentaires.

A. L’ encadrement des procédures simplifiées d’enlèvement :

Depuis quelques années l’Administration des Douanes a ouvert un vaste chantier de modernisation de ses procédures pour répondre aux exigences de célérité de l’économie contemporaine. Cette réforme a pour but de favoriser, d’une part, la réduction du coût des formalités douanières et, d’autre part, d’accélérer l’acheminement des marchandises vers son utilisateur final. Elle s’est traduite par l’instauration de procédures simplifiées qui prennent au port la forme d’Autorisation Provisoire d’Enlèvement (APE) à l’importation et d’Autorisation Provisoire d’Embarquement (APDE) à l’exportation.

Ce dispositif réglementaire permet aux entreprises d’alléger les formalités documentaires liées à une opération de commerce international. Les entreprises bénéficiaires ont alors la possibilité de libérer leurs marchandises en procédant simplement auprès du bureau de Douane compétent à une déclaration allégée ne réclamant qu’un nombre limité d’informations (destinataires, nom du navire, valeur, espèce tarifaire, nombre de colis, droits exigibles). Comme toute autre déclaration douanière, la déclaration simplifiée peut être déposée par anticipation avant même l’arrivée de la marchandise.

Bien entendu, toutes les informations complémentaires obligatoires devront être transmises ultérieurement aux services douaniers au moyen d’une déclaration en douane de droit commun. L’intervention des sections d’écriture se situe en amont par l’instruction et l’enregistrement des demandes et en aval à travers le suivi de la régularisation de ces procédures simplifiées. A ce niveau une attention particulière est accordée au respect des délais de régularisation (15 jours) et au contenu de la déclaration qui doit permettre au Service des Douanes de contrôler la régularité des opérations au regard de la réglementation.

B. Le suivi des soumissions et des acquits à caution :

Les soumissions sont des engagements cautionnés pris par les déclarants de fournir des documents manquants dans un délai fixé par le service. En fait, il s’agit d’une faculté laissée au commissionnaire en l’absence d’un document requis de faire abstraction durant l’accomplissement des formalités douanières de certaines pièces obligatoires en contrepartie d’un engagement à fournir dans des délais relativement court ces documents. Le service des écritures doit veiller à suivre de tels engagements souscrits en respect de la réglementation.

En vertu des dispositions de l’article 112 du code des douanes, les marchandises transportées sous douane ou placées sous un régime suspensif de droits et taxes doivent être couvertes par un acquit-à-caution. L’acquit-à-caution désigne une déclaration de marchandises relative à un régime douanier suspensif comportant un engagement de satisfaire les prescriptions légales liées à l’utilisation de ce régime sous peine de répondre solidairement avec sa caution des irrégularités constatées par le service. Au niveau des sections d’écritures le suivi des acquits- caution se matérialise surtout par la vérification des retours d’acquits à caution en vue de contrôler les régularités des opérations des transit ou de réexportation au regard des obligations relatives à ces régimes (respect des itinéraires prescrits, décharges des bureaux de passage, visa du bureau de sortie, etc.).

L’organisation actuelle des services d’écritures dans un grand bureau répond donc à un double souci: d’une part, exercer les missions régaliennes de contrôle instituées pour sauvegarder les intérêts de l’Etat tout en ne pénalisant pas le commerce légitime au regard des contraintes multiples qu’il rencontre et, d’autre part, offrir aux opérateurs du commerce international une brochette de facilités en matière de formalités et d’accompagnement. Cette action ambivalente s’inscrit, en droite ligne, des nouvelles préoccupations de l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD),

en particulier, le cadre de normes SAFE qui prescrit la conciliation des impératifs de contrôle et de facilitation pour sécuriser la chaîne logistique internationale. Et les Sections d’écritures, d’un grand bureau , jouent dans une telle dynamique ,un rôle plus que déterminant. Il reste entendu que ,sans une bonne articulation avec les services de Visite, leur apport ne peut être décisif.

Egalement ,il s’avère clair que, quelque parfaite qu’elle puisse être, leur organisation restera toujours un support théorique : en pratique, elle ne sera que ce que les agents en feront.