« La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. » Ainsi, s’exprimait le Général Charles de Gaulle, lors de son deuxième discours de Bayeux en 1952. Si cette formule du Général ne souffre aujourd’hui d’aucune contestation, il n’en fut pas toujours le cas. L’intérêt stratégique que suscite la notion de défense s’est précisé avec le temps.
Depuis la naissance des premiers hommes, le destin les a toujours conduit à se créer des rivalités. Ces rivalités, parallèlement aux évolutions sociales, se sont traduites par des vendettas, des batailles, des guerres opposant plusieurs groupes d’individus, plusieurs clans. Mais au fil du temps, ces groupes se sont organisés en différentes nations, en différentes armées.
Fonction politique régalienne, la défense est, aujourd’hui, nationale car elle concerne non seulement la défense militaire et les forces armées, mais aussi toutes les administrations responsables des grandes catégories de fonctions ou de ressources essentielles à la vie du pays. D’où le concept de défense globale qui est de plus en plus mis en avant par les Etats. Elle a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux. C’est donc un instrument privilégié de la souveraineté nationale ; elle est aussi un outil de crédibilité internationale, notamment lorsqu’elle s’exerce dans un cadre multilatéral.
La contribution de la citoyenneté à l’édification d’une politique de défense nationale effective et efficiente est décisive. Mieux, toute stratégie de défense nationale suppose l’existence d’un véritable esprit citoyen, pour être viable. La citoyenneté est aujourd’hui le substrat sur lequel la défense nationale se fonde. Elle est symbolisée par le respect d’un ensemble de valeurs qui soudent cette communauté de concitoyens. Ces valeurs citoyennes vont alors s’incarner dans un ensemble de normes concrètes, concernant les droits et les devoirs des citoyens, articulés les uns aux autres dans un statut juridico-politique des citoyens, garanti pour l’essentiel dans le cadre d’un Etat-nation.
En raison de sa position stratégique aux frontières, le rôle de l’Administration des Douanes dans la stratégie de défense nationale et dans le développement de la citoyenneté est crucial. En effet, la Douane assure la police des relations extérieures. Ce faisant, elle participe pleinement à la protection contre les menaces extérieures et celles non liées explicitement à des agressions militaires, mais également à l’éclosion et au raffermissement de la culture citoyenne. Cela se manifeste à travers la poursuite de diverses missions d’une importance stratégique. En premier lieu, il s’agit d’une mission fiscale qui consiste à liquider des droits et taxes pour le compte du Trésor public. En deuxième lieu, et dans le prolongement de cette mission fiscale, la Douane a un rôle économique. Ainsi, sur la base des règles fixées pour le commerce international, elle contrôle les flux commerciaux. En outre, la Douane assure une mission de lutte contre la fraude et les grands
trafics internationaux. Dans cette perspective, elle a en charge la protection des intérêts économiques et financiers nationaux et communautaires. Enfin, la Douane participe également à une mission de protection de la sécurité et de la santé publiques et concourt à la protection de l’environnement ou du patrimoine national. En définitive, l’Administration des Douanes contribue à la
défense nationale (I) et participe également au développement de la citoyenneté (II).
I – L’ADMINISTRATION DES DOUANES, UN PILIER DE LA DEFENSE NATIONALE DU SENEGAL
Aujourd’hui, les formes de menaces et de modes d’action ont beaucoup évolué, mais se sont surtout diversifiées et touchent tous les aspects de la vie politique, socio-économique d’un Etat. Ainsi, il a été identifié trois types de menaces qui correspondent aux contours actuels que peut revêtir la défense nationale. Il s’agit de la défense civile, de la défense économique et enfin de celle militaire.
La contribution de l’Administration des Douanes, qui assure la police des relations extérieures du pays, est essentielle dans la mise en œuvre de cette défense globale. Elle se manifeste surtout dans la défense économique (A) et civile (B) nationales
A – LA CONTRIBUTION DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES DU SENEGAL A LA DEFENSE ECONOMIQUE NATIONALE
La contribution de l’Administration des Douanes du Sénégal à la défense économique nationale se manifeste à travers la participation à l’alimentation du budget de l’Etat (1), le soutien à la compétitivité économique des entreprises sénégalaises (2) et enfin le renforcement de l’efficacité des contrôles et de la surveillance du territoire douanier (3).
1 – La participation à l’alimentation du budget de l’Etat
Les réalisations douanières ont connu, de tout temps, une tendance haussière, en dehors de la légère baisse intervenue en 2000 par rapport à l’année 1999 et qui se justifie amplement par le délai incontournable de maturation nécessaire à l’adaptation des opérateurs économiques au nouvel environnement introduit par l’entrée en vigueur du Tarif Extérieur Commun de l’UEMOA.
Face aux nouveaux défis, l’Administration des Douanes a dû faire preuve d’initiatives parfois audacieuses dans son mode de fonctionnement, d’esprit d’anticipation sur l’évolution de l’espace communautaire et d’efforts soutenus d’adaptation et d’ouverture aux innovations technologiques avec l’appui déterminant des autorités du Ministère de l’Economie et des Finances et l’accompagnement
appréciable des partenaires au développement.
2 – Le soutien à la compétitivité économique des entreprises sénégalaises
L’entreprise est, aujourd’hui, au cœur de la problématique du développement économique et social. Par sa fonction de créateur de richesses, elle constitue un puissant levier de croissance économique et d’augmentation du niveau de vie des populations.
L’environnement économique international est actuellement caractérisé par un ensemble de mutations, notamment en matière d’ouverture sur les marchés extérieurs, plaçant ainsi les entreprises dans un cadre permanent de compétition et de concurrence sur le marché mondial.
Dès lors, toutes les actions initiées au niveau international, régional ou étatique convergent sur la nécessité de définir un environnement favorable, propice à l’émergence et au développement des entreprises, particulièrement celles dites moyennes et petites dans le contexte de nos pays en développement. L’entreprise sénégalaise fait face à de nombreuses entraves dont la raréfaction des ressources financières, la concurrence étrangère, l’étroitesse du marché local, la multiplicité des contrôles, l’absence criarde d’informations économiques fiables. Elle doit, dès lors, surmonter tous ces obstacles pour relever les défis de la compétitivité, de l’ouverture des marchés extérieurs, de la
promotion des activités exportatrices et de l’investissement.
a – La réduction des coûts de production par une fiscalité adaptée
L’application du Tarif extérieur commun (TEC) de l’UEMOA a abouti à un décroissement substantiel de la pression fiscale. En effet, le TEC a considérablement simplifié la structure de Tarif douanier conduisant à une réduction importante du niveau de la fiscalité de porte.
Depuis l’entrée en vigueur du TEC, l’action de la Douane tendant à protéger les industries locales est à saluer à plus d’un titre. Cela s’est surtout traduit par les nombreuses demandes de re-catégorisation de certains intrants ayant une incidence directe sur les coûts de production.
Par ailleurs, l’application stricte de la Taxe Conjoncturelle à l’Importation, dispositif complémentaire de taxation de l’UEMOA, a permis d’assurer une protection du tissu industriel et de contrecarrer les pratiques déloyales.
S’agissant du régime de circulation intra-communautaire, l’agrément au régime de la taxe préférentielle communautaire (TPC) de l’UEMOA et au schéma de libéralisation des échanges de la CEDEAO a permis de faire bénéficier certains produits de la franchise totale des droits et taxes d’entrée lors de leur importation dans un Etat membre.
Avec ces privilèges, beaucoup d’entreprises sénégalaises ont pu conquérir une part substantielle du marché sous-régional qui en termes de statistiques représente aujourd’hui l’essentiel de leurs débouchés.
b – L’application de valeurs minimales
L’Administration des Douanes applique des valeurs minimales sur une liste limitée de produits autorisés par le Conseil général de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), par Décision G/C/W/488 du 16 avril 2004 afin de lutter efficacement contre la fraude en matière d’évaluation des marchandises importées et la concurrence déloyale sources de menaces graves à l’expansion des entreprises.
Cette mesure a fait l’objet d’une prorogation en 2006. Cela a permis aux Autorités douanières, à la suite des requêtes formulées par certaines entreprises, de maintenir les valeurs minimales au-delà de l’échéance initialement fixée, en attendant que les organes de l’OMC statuent sur la nouvelle demande de prorogation introduite par le Sénégal depuis fin Juin 2007.
La mise en oeuvre de cette décision, a eu un impact positif sur certains domaines, dans la mesure où elle a permis de lutter efficacement contre des pratiques illicites liées notamment aux sous-évaluations et autres formes de manipulations de prix. Toutefois, elle n’a pas permis d’éliminer totalement toutes les menaces réelles qui pèsent sur certaines activités. Ainsi, il est nécessaire d’envisager une stratégie fondée sur la mise en œuvre d’autres instruments de protection en matière de pratiques commerciales illicites (mesures antidumping, mesures compensatoires, mesures de sauvegarde), conformes aux règles de l’Organisation mondiale du Commerce.
3 – Le renforcement de l’efficacité des contrôles et de la surveillance du territoire douanier
a – L’amélioration des contrôles
La Douane a orienté ses actions dans le but d’asseoir un cadre de contrôle plus conforme aux exigences de développement des entreprises, en y intégrant davantage l’analyse du risque de fraude et le ciblage. En effet, l’établissement d’un environnement économique attractif exige une grande célérité dans la réalisation des opérations commerciales. Dans cet esprit, la mise en place d’un système informatisé d’analyse du risque (SIAR), s’accompagne concomitamment de la constitution d’une base de données comme outil d’aide à la décision en cas de doute sur l’exactitude et la véracité de la valeur déclarée.
A cet effet, l’Administration des Douanes a élaboré une nouvelle instruction cadre sur les contrôles afin d’éviter toute répétition superflue des interventions douanières. Ce texte comporte un ensemble de mesures et de recommandations qui visent à instaurer un contrôle rapide, rationnel, efficient et sûr tant au niveau des opérations commerciales que de la surveillance du territoire douanier. Cette nouvelle méthodologie de contrôle est devenue impérative, compte tenu des enjeux économiques liés aux exigences de compétitivité des entreprises. Elle poursuit un objectif de simplification des procédures de dédouanement des marchandises.
Le renforcement de l’usage de l’imagerie à rayons X (scanning) au port et à l’aéroport participe de cet objectif de facilitation certes, mais aussi de sécurisation, avec des performances remarquables dans la réduction du temps d’immobilisation des marchandises et des coûts annexes, soulageant ainsi les opérateurs économiques de certaines charges avec la garantie d’une meilleure fluidité dans les transactions commerciales licites.
b – Le renforcement de la surveillance du territoire douanier
Les pouvoirs publics, conscients du rôle crucial de la Douane, ont consenti des efforts pour le recrutement en personnel, le renforcement des moyens matériels et du cadre de travail. Cela a facilité la mise en œuvre d’une stratégie de contrôle des marchandises, fondée principalement sur une occupation quasi-permanente de tout le territoire douanier. Mais, également, sur une concertation régulière avec les opérateurs économiques.
L’impact de cette stratégie sur l’environnement économique des entreprises se vérifie par les saisies importantes de sucre opérées en 2006, avec plus de deux cent cinquante sept (257) tonnes. Ces opérations ont permis de mieux assainir le marché.
B – LA CONTRIBUTION DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES DU SENEGAL A LA DEFENSE CIVILE NATIONALE
L’Administration des Douanes apporte son appui à différents services. A cet effet, elle contribue à la protection et à la sécurité des populations civiles en :
– luttant contre toutes sortes de trafics, notamment les trafics de stupéfiants, d’armes et d’explosifs, d’espèces animales et végétales menacées d’extinction ;
– contrôlant la circulation des produits stratégiques civils ou militaires et celle des biens culturels, et en empêchant l’entrée au Sénégal de produits dangereux ou non conformes aux normes nationales ou communautaires ;
– contribuant à certaines missions de l’Etat en mer (police de la navigation, des pêches, sauvetage, lutte contre les pollutions, etc.) ;
– relevant des infractions de droit commun dans l’exercice de tous ces contrôles.
En outre, la Douane contribue à la protection du consommateur, en veillant au respect des réglementations relatives à la qualité et à la sécurité des produits industriels importés de pays extérieurs à l’Etat du Sénégal ou à l’UEMOA. Elle procède à des contrôles documentaires et physiques, complétés par des analyses en laboratoires. La Douane exerce un contrôle rigoureux sur les opérations d’importation ou d’exportation en ce qui concerne le patrimoine culturel national.
En ce qui concerne le domaine maritime, la Douane participe à la protection de la mer contre les pollutions et le contrôle des activités de pêche et assure également une surveillance maritime.
II- LA CONTRIBUTION DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES AU DEVELOPPEMENT DE LA CITOYENNETE AU SENEGAL
La citoyenneté au sens juridique est un principe de légitimité juridique. De manière générale, un citoyen est une personne qui relève de l’autorité et de la protection d’un État et par suite jouit de droits civiques et a des devoirs envers cet État. Il s’agit donc du lien social établi entre une personne et l’État qui la rend apte à exercer librement l’ensemble des droits politiques attachés à cette qualité sous réserve qu’elle ne se trouve pas privée de tout ou partie de cet exercice par une condamnation pénale (privation de droits civiques). Le citoyen moderne est le sujet de droits et de devoirs : droits de l’homme – droits civils – droits politiques – droits sociaux. Cela suppose comme préalable la sensibilisation, la formation mais surtout l’information juste et renouvelée des individus qui évoluent dans un Etat afin de raffermir le lien avec cette entité.
Dans cette dynamique, l’Administration des Douanes contribue dans le domaine qui est le sien à la mise à disposition de l’information pertinente aux acteurs économiques.
L’Administration des Douanes sénégalaises a, au fil des ans, adapté toute une stratégie d’information et de sensibilisation à l’endroit des acteurs économiques et plus généralement des citoyens.
A cet effet, des réaménagements ont été apportés en vue d’une adaptation de la réglementation douanière aux besoins des acteurs économiques. Cela passe par une bonne communication mais également un conseil et une facilitation des transactions opérées par le secteur productif. Cette volonté de la Douane de mettre à disposition l’information est mise en relief par l’arrêté n° 8381 du 25 août 2000 fixant l’Organigramme de la Direction Générale des Douanes avec l’érection d’un Bureau des Relations Publiques et de la Communication (BRPC) et d’un Bureau Conseil aux Entreprises et Facilitation (BCEF). Le 1er Bureau est un maillon essentiel dans la chaîne communicationnelle établie par le Service des Douanes. Il sert de relais entre la Douane et les usagers du service, notamment les entreprises. Mais, l’innovation majeure résulte de la création du BCEF, qui est au service de l’entreprise. La création d’une telle structure découle de la volonté des Autorités douanières de nouer des relations de confiance et de partenariat avec le secteur privé. A cet égard, le BCEF a deux missions essentielles par rapport aux entreprises :
– un rôle de conseil, qui consiste à accompagner et orienter les entreprises dans la recherche de l’efficacité, en mettant à leur disposition les informations concernant par exemple les instruments douaniers les mieux adaptés à leurs besoins ;
– un rôle en matière de facilitation se traduisant au plan pratique par la proposition de mesures visant à améliorer les procédures et opérations douanières.